
Défi 100km
Réveil à 3h30. La nuit a été un peu courte (couché à 22h30) mais j’ai bien dormi. Je prends un petit déjeuner pas trop chargé puis m’allonge un peu. A 4h30, je mets ma tenue et rempli mon sac. Tout est prêt sur la table pour les prochains ravitaillements. 5h00, c’est l’heure.
Première mission, ne pas me faire arrêter par la police parce que j’ai une heure d’avance sur la fin du couvre feu. Je crains surtout la traversée du Pont de Poissy alors j’accélère pour descendre sur les berges de la Seine. Ce n’est pas très bon de démarrer la journée comme ça mais pas le choix. Ce départ à 5h00 me laisse quatorze heures pour faire les 103 kilomètres prévus. Si je tiens compte de mes précédentes expériences, ça sera déjà juste. Petit stress quelques kilomètres plus loin où je croise une voiture sur le chemin de hallage. Je profite d’un bosquet pour passer inaperçu de l’autre côté. Je jetterai quelques coups d’œil dans mon dos pour vérifier que la voiture ne revient pas derrière moi. Il y a quelques fois des gens qui campent la nuit pour pêcher ici, alors peut-être que des rondes sont menées. J’arrive à Andrésy, il y a un peu d’activité avec le marché qui s’installe. Je bifurque sur ma gauche pour la première montée.
Il est 6h00, je ne crains plus de me faire contrôler, c’est un soulagement. C’est l’aube, je prends quelques photos. J’ai un rythme correct depuis le début mais les quelques arrêts pour admirer la vue me mettent déjà un peu en retard sur mon plan de marche. Je fais une courte incursion dans les coteaux de vignes et en forêt. Quelques crottes au sol et des bruits de mouvement mais pas de face à face avec un animal. Je redescends vers les bords de Seine à Triel. Je fais un énième arrêt technique. Je constate que j’ai de plus en plus souvent besoin d’uriner ce qui m’étonne par rapport à la quantité de boisson ingurgitée. Je remonte déjà vers la forêt de l’Hautil. Il fait maintenant jour, je ne vais pas traverser la forêt de nuit.
A 7 heures passées, je redescends côté Val d’Oise, j’admire le lever de soleil. Cela restera un des beaux moments de la journée. C’est une sensation agréable se trouver dehors, seul, au calme et de voir une nouvelle journée commencer. La quiétude à peine troublée par le passage régulier des avions qui vont atterrir à Roissy. Je passe par des sentiers que je n’ai pas encore eu l’occasion de parcourir, chose de plus en plus rare près de chez moi. Je constate les premiers signes de fatigue à 25 kilomètres sur les bords de l’Oise. Mes jambes sont un peu dures. Cela me surprend un peu. Je pense au Marathon où cette sensation arrive plus tard alors que l’effort n’est pas le même.
Je traverse la Seine à Conflans-Sainte-Honorine et rentre dans la forêt de Saint-Germain par l’Étang du Corra. Je reçois un appel de Maman qui a reçu une notification à mon départ. Elle me dit que je suis fou quand je lui explique que ça ça fait déjà trois heures que je suis parti. Petit à petit, je reprends de l’avance sur mes prévisions. J’ai un rythme facile mais au moins je courre. La première boucle va bientôt se terminer. Je réfléchis à ce que je dois faire lors de la pause. A cet instant, je n’ai pas de doute sur le fait de repartir pour une deuxième boucle.
J’arrive chez moi à 9h45. Je défais mon sac, vide les emballages, mes flasques. J’enlève mes gants et la frontale. Quitte à passer chez soi, je me change complètement. Il va faire meilleur alors je repars avec un short court, un nouveau t-shirt mais sans maillot de corps pour le froid. Je change aussi de chaussette et me remets de la crème nok. Je me ravitaille avec quelques noix de cajou, une purée, de la soupe et deux tartines de fromage de chèvre. Je suis parti avec 1,5 litre d’eau dont 50 centilitres de boisson isotonique. Je n’ai bu qu’un litre. Comme je dois faire 5 kilomètres de moins sur la deuxième boucle, je repars avec seulement un litre. Je m’étais dit en préparant ce défi qu’un litre pour une trentaine de kilomètre devrait suffire. Je ne sais pas à quoi je pensais à ce moment-là mais cela m’a conforté dans ce choix. Si j’avais été plus lucide, je n’aurais pas commis cette erreur.
Je repars. Je constate que le temps passe vite. J’ai fait beaucoup de choses mais je ne me suis pas posé. J’ai enchaîné et pourtant vingt-sept minutes se sont écoulées pendant cette pause ! J’y vais doucement mais je suis déjà un peu raide. J’ai bien eu une alerte pendant que je mangeais, assis, les jambes étirées. Une petite douleur, en bas de l’ischio-jambier gauche. J’observe que je ne suis pas reparti par le chemin prévu. C’est l’inconvénient de repasser toujours au même endroit. Je suis reparti sur le chemin de la troisième boucle, au lieu de la deuxième. Je m’en rends compte assez vite alors je rectifie le tir en entrant dans la forêt. Je pense que cela m’a fait faire un petit détour que je constaterai un peu plus tard. J’ai surtout trente minutes de retard, ça fait beaucoup ! Pendant la traversée de la forêt de Saint-Germain-en-Laye, je sens bien que je suis un peu moins rapide et que je ressens le besoin de marcher un peu plus souvent. Les jambes sont un peu dures et les fessiers légèrement contractés. Assez vite surtout, je m’aperçois que j’ai commis une grosse erreur en repartant avec seulement un litre d’eau. La température est montée et au bout de cinq kilomètres, j’ai déjà pas mal bu. Je sais déjà que je vais devoir me restreindre pendant trente kilomètres.
Je passe en contrebas de la terrasse du château de Saint-Germain pour redescendre sur les bords de Seine vers le Pecq. Deuxième et dernier passage inédit de la journée. Il faudrait que je revienne plus souvent par ici. Il y a maintenant plus de monde. Je me fais doubler par une joggeuse puis d’autres un peu plus loin. Sur les chemins de hallage, je suis sur un passage que j’appréhendais un peu. Du plat sur plusieurs kilomètres, sans relief pour alterner le rythme. J’attends avec impatience la prochaine côte. J’arrive malgré tout à courir presque tout le temps mais ça demande déjà beaucoup de mental. Par ailleurs quand je constate que j’ai déjà 51 kilomètres au compteur, je me rends compte que j’ai fait plus de kilomètres que planifiés. Au moins trois de plus. Depuis un moment j’ai un coureur en ligne de mire. Il m’a doublé un peu plus tôt mais j’ai tendance à revenir dessus. Vu ma vitesse, il n’avance pas vite ! Paradoxalement j’essaie presque de ralentir pour ne pas revenir dessus.
A Bougival, Je retraverse la Seine et j’entame la montée par des escaliers. Ça grimpe dur mais je suis content de pouvoir marcher sans perdre trop de temps sur mon plan. Je n’ai pas perdu grand chose, trois minutes de plus. Mais il faut se rendre à l’évidence. Je manque d’eau, j’ai du mal à courir. Je ne vais pas récupérer ce temps d’ici la fin de la boucle. Dans le bois de Louveciennes, je manque le chemin prévu. J’ai fait à peine dix mètres dans la mauvaise direction. Qu’importe, je me dis que c’est l’occasion de raccourcir un peu, pour rattraper les kilomètres en trop. Au final, ça n’aura rien changé. C’est presque toujours une mauvaise idée de changer de plan dans ces conditions. Mais la pression de la montre est là.
A suivre la longue traversée de la forêt de Marly. Je ne coure quasiment plus que dans les descentes. Et assez lentement pour pouvoir supporter la douleur. J’ai toujours mal en bas de l’ischio-jambier gauche, ce qui me gêne pour avoir une foulée fluide. J’ai aussi mal sous la voute plantaire gauche, au quadriceps droit (sûrement par compensation) et je commence à ressentir aussi un peu les ongles de certains orteils (toujours les mêmes…). Je commence à réfléchir à la suite. Quoiqu’il en soit, si je repars pour une troisième boucle, ce ne sera pas celle prévue. Sinon je ferai plus de kilomètres que prévu et surtout je n’aurai pas le temps de la faire avant 19h00, heure du couvre-feu.
J’arrive à Chambourcy, dernière montée avant la descente sur Poissy. Il est 14h00. Je devrais déjà être chez moi, prêt à repartir pour la troisième boucle. C’est sûr, vu mon état, impossible de repartir pour la boucle prévue. Même marcher fait mal. Est-ce que je repars quand même pour faire le plus de kilomètres possibles d’ici 19h00. Est-ce bien raisonnable ? Avec un peu de calcul mental, j’arrive à la conclusion que je n’arriverai pas aux 100 kilomètres prévus de toute façon. Je choisis de décider quand je serai chez moi. Je descends à petite foulée, en prenant de calmes et grandes respirations. Ces bouffées d’oxygène ont un effet relaxant.
A 15h00, je suis rentré. Je commence à me ravitailler. J’envoie un message à la famille pour prévenir que j’ai fini la deuxième boucle. Et après quelques minutes d’hésitations, je prends la décision de ne pas repartir. Je m’arrête à 74 kilomètres. Je suis déçu. Je n’aurai pas atteint l’objectif des 100 kilomètres. Je savais compte tenu de mes expériences passées que le rythme imposé pour faire la distance était un peu ambitieux. Mais j’ai fait une erreur sur l’eau. J’ai aussi été trop optimiste sur l’allure à tenir en négligeant les temps de ravitaillement. Je n’avais prévu que deux pauses sur 103 kilomètres. C’est peu et ça doit prendre quand même un peu de temps. Mon plan était prévu pour une allure de 7,5 kilomètres heure de moyenne. Cela semble plus près d’une allure de marche que de course. Dans les faits, pour tenir cette allure sur cette distance, il faut courir, certes à vitesse modérée, mais courir quand même souvent et avec peu de pause. Et l’arrivée des douleurs musculaires a été trop précoce pour garder une allure assez soutenue. Est-ce un manque de chance ? Un problème de préparation ? Un manque de renforcement musculaire ? En tout cas, contrairement à mes craintes, la tête a tenu. Si j’ai finalement arrêté, c’était une bonne décision. Comme je n’avais plus le temps d’arriver au bout, ça n’avait plus de sens de continuer coûte que coûte. D’autant plus qu’un jour après, j’ai des difficultés à tenir ma jambe droite. La douleur s’est décalée en haut du mollet gauche (je ne sais pas si c’était une mauvaise perception hier, ou si la douleur est descendue). Je marche mieux qu’hier soir malgré tout. Rien de bien grave, je pense récupérer rapidement (à J+2, j’arrive de nouveau à tendre ma jambe). Il faut vraiment que je progresse en terme de résistance musculaire pour m’améliorer dans ce type d’effort. Cela me rappelle que tenir la distance, même lentement, ça reste quelque chose de difficile à accomplir. Si je regarde le côté positif, c’est la troisième plus grande distance parcourue (après 90 et 77 kilomètres). Et même si c’est difficile à comparer, entre la météo et le dénivelé différent de chaque épreuve, j’aurais été plus rapide sur ces 74 kilomètres.
Ravitaillement :
- 1h00 : 1/2 barre Clif
- 2h00 : 1 barre
- 3h00 : 1 compote
- 4h00 : 1/2 barre Clif
- 1 litre d’eau et boisson isotonique consommé
- 4h45 : 3 poignées noix de cajou, 1 portion purée, 1 soupe, 2 tartines fromage chèvre
- 6h45 : 1/2 barre Clif
- 8h00 : 1 compote
- 8h50 : 1 barre
- 9h20 : 1/2 barre Clif
- 1 litre d’eau et boisson isotonique consommé